Il y a un siècle dans "Le Perche", un trait d'humour percheron par le père La Bricole
La lecture des collections du journal "Le Perche", il y a un siècle en l'occurrence (15 juin 1924) nous apprend que rien n'est vraiment nouveau sous le soleil (voir coupures à la suite sur la politique, le printemps, l'automobile) mais aussi un extrait du père La Bricole qui vaut son pesant d'humour... percheron alors qu'il décrit son séjour à Mortagne à l'occasion d'une kermesse. Je le traduis dès maintenant pour ceux qui ignoreraient notre beau "parler" (voir à propos de ce "parler" le livre "Trésor du Parler Pecheron", édition des Amis du Perche qui sera bientôt réédité).
Parmi les artistes de l’Avantbra (L’Alambra bien sûr…) il y avait deux souatrons (soiffards, compagnon de cabarets) qui faisaient les imbéciles mais qui étaient bien adroits pour jouer toute sorte de musiques, depuis la petite flûte jusqu’à la clarinette, le violon et l’accordéon, même qui jouaient des airs en se trémoussant avec des colliers de grelots qu’ils se passaient aux jambes, au bras et sur la figure
Les chanteuses en connaissaient de belles aussi et c’est le cas de le dire que les litanies de la kermesse du soir ne ressemblaient guère à celle qui avait été dite à la messe du matin.
La chanson qui eut le plus de succès fut « Le Portrait de l’Homme » que chantait une créature toute dépoitraillée qui mordait dedans fallait voir.
Dans cette chanson-là, il y a un couplet pour les différents âges de l’homme et ses capacités au point de vue de la gibernique (procréation). Ainsi il est dit qu’à dix ans c’est un oiseau sans duvet ; à quinze ans un débutant, un petit apprenti ; à vingt ans un chasseur qui galope à perdre haleine dans les gorges, la plaine et la broussaille ; à trente ans, une belle pendule dont le balancier marche méthodiquement ; à quarante ans, un coureur et un chauffeur habile qui fait l’admiration du beau sexe ; à cinquante ans, ce n’est déjà plus qu’une potion qu’il faut qu’on agite comme celle que vend le pharmacien
Mais à soixante ans, ce qui est le plus triste, voilà effectivement ce que dit le couplet :
À soixante ans, c’est une figue sèche
Un fruit sans jus, un maçon sans mortier
Un saucisson que le soleil sèche
À l’étalage d’un vieux charcutier
— Ça, c’est bien visé comme exemple que s’écria La Gélique (épouse du père La Bricole) en me tapant sur l’épaule.
Là-dessus elle partit à rire à en lâcher ses eaux comme ça lui fait à chaque fois que ça la prend de s’éclater ainsi…
Après elle voulait que la Lucie (la fille du père La Bricole) apprît cette chanson-là. Depuis elle lui fait chanter le dernier couplet pour pouvoir l’apprendre par cœur et me le répéter à ce qu’elle dit.
Comme je suis bien obligé de convenir que ça se rapporte à moi, je ne serais guère enchanté que ce radotage-là, mais ça me plaira encore mieux quand même que de l’entendre grommeler comme elle a l’habitude de le faire, des jours entiers.
La Bricole à la Raperie.