Avril-mai 1944 : les SS coupables du massacre d'Ascq (Nord) cantonnaient à Mortagne
Un blindé de la 12e division HitlerJugend
Les archives de la Seconde guerre mondiale, notamment celle du comité cantonal de Libération de Mortagne récemment classées dans le cadre des Archives départementales de l'Orne, livrent des témoignages sur des faits dramatiques méconnus. Tel est le cas des événements qui se produisirent à fin avril qui mettent en cause l’unité de la Hitlerjugend reconnue responsable du massacre d’Asq (Nord).
À l’approche du Débarquement, la 12e division blindée de la Jeunesse hitlérienne, composée de jeunes soldats fanatisés, stationne à Mortagne. Plusieurs témoignages attestent de leur comportement.
Dans la nuit du vendredi 21 au samedi 22 avril 1944, des soldats de cette unité probablement éméchés, croient être visés par un tir.
Jean-Baptiste Benoist, 44 ans, représentant en grains, domicilié aux Mares à Saint-Langis témoigne.
« Ils sont venus dans la maison que j’habite avec la famille Levesque. La porte d’entrée n’étant pas fermée à clé, ils sont rentrés très facilement puis ont démoli toutes les autres portes en tirant avec des revolvers et des fusils… Ils me disaient que j’étais terroriste et me braquant de leurs armes, me font descendre en bas pour me faire ouvrir la porte de la famille Levesque jusqu’alors restée close. Les deux filles Georgette et Hélène, femme Mésange, venaient d’être blessées par des balles, l’une au cou, l’autre au bras.
Trois soldats m’ont amené à l’hôtel de la gare où étaient installés leurs bureaux. Il y avait là une dizaine de soldats et sous-officiers qui se disaient que j’étais terroriste et voulaient me faire avouer que j’avais tiré sur eux. Voyant que je ne disais rien, ils se sont mis à me frapper pendant environ une heure. Ensuite me voyant à moitié assommé, ils m’ont renvoyé à coups de crosse de fusil dans le dos. Pendant ce temps-là, ils avaient eu soin de piller nos habitations. Sous la menace des revolvers, ils voulaient faire dire à ma femme que j’avais tiré. Ils m’ont renvoyé chez moi et m’ont dit de revenir le lendemain matin… »
Le lendemain dimanche Jean-Baptiste Benoît est interrogé par un officier qui le renvoie chez lui. L’affaire en restera là mais le représentant de commerce l’a échappé belle. Il ignore qu’au même moment a lieu à la kommandantur, rue Sainte-Croix, une entrevue orageuse entre le commandant de l’unité, lui-même totalement ivre, et Jules Goupy, maire de Mortagne, assisté de Paul Filleul en qualité d’interprète.
« Il y a eu cette nuit des coups de feu tirés sur mes troupes par la population de Mortagne, prévient l’officier aux réactions pour le moins imprévisibles. Je suis décidé à prendre les sanctions les plus graves contre vous et d’autres notabilités si pareils faits se renouvellent »
En même temps qu’il menace il fait un aveu : il fera subir à la population le même sort que celle d’Asq où il se trouvait peu auparavant de passage, ajoutant « qu’ils ne seraient pas des SS s’ils agissaient autrement ».
Est-ce la même unité qui cantonne début mai à Préfontaine ? Elle exige du maire de Loisail, Conrad des Diguères, de réquisitionner des jeunes filles dont deux de sa commmune afin de faire la cuisine. Celles-ci doivent travailler tous les jours pendant 15 jours avant d’être remplacées par d’autres. Contraint et forcé le maire désigne Yvonne Le Traon et Jacqueline Martin.
Malheureusement le jeudi 11 mai, celles-ci ne rentrent pas comme elles le faisaient tous les soirs vers 19h. Le lendemain matin, leurs parents, le maire lui même s'interrogent sur le sort qui leur a été réservé. Conrad des Diguères se présente à Préfontaine et réclame des explications au chef de l’unité qui lui fait une réponse ambigüe. Il poursuit son enquête auprès de Mme Drault, garde-barrière dont la fille a elle aussi été réquisitionnée mais celle-ci a pu regagner son domicile. Il apprend que Jacqueline Martin a pu s’enfuir au milieu de la nuit mais qu’Yvonne Le Traon a été séquestrée jusqu’au lendemain matin par un sous-officier. Avec courage elle parvient à s’opposer à ses avances et s’échappe à son tour.
À la mi-mai, l’unité de la Jeunesse hitlérienne est envoyée vers Verneuil.
Le représentant de commerce se remit de ses contusions. Les deux femmes de Saint-Langis blessées, hospitalisées, guérirent de leurs blessures. Les deux jeunes filles séquestrées s’en tirèrent avec une belle frayeur. Mortagne, Saint-Langis et Loisail venaient d’échapper au pire !
Après la Libération tous furent invités à témoigner ainsi que Jules Goupil, maire et Paul Filleul, interprète, et d’autres personnes impliquées, auprès du comité cantonal de Libération animé par Louis Leroux et Octave Colombet. Leurs dépositions servirent notamment à instruire le procès du massacre commis à Asq où 105 civils furent exécutés. Ils permirent notamment d’identifier les responsables de l’unité et d’apporter la preuve de la sauvagerie qui animait ces soldats SS.